TW: Violence sur mineur-personne en situation de handicap

« Lucius, viens voir. Je te présente Davide, ton petit frère. Tu veilleras sur lui n’est-ce pas ? Promets-moi que tu le protègeras.
Dans les bras de sa mère, Lucius, alors encore enfant, découvrit un bébé endormit. Son cœur se gonfla d’un instinct protecteur devant cet être si petit et si fragile.
- Oui. C’est promis. »
C’est ainsi que Lucius fit la rencontre de son petit frère. Et si certains pourraient argumenter- à raisons- que donner à un si jeune enfant la responsabilité de son frère nouveau né est questionnable, il s’avéra qu’il s’attacha fortement à Davide, et veiller sur lui était comme instinctif.

Les années passèrent, et Davide grandit si vite que Lucius eu à peine le temps de s’en rendre compte. En moins de temps qu’il n’en faut pour dire « dit grand frère », le garçon savait courir dans toute la maison, et faire des phrases complètes. Les deux frères étaient très proche l’un de l’autre. Le plus jeune ne lâchait jamais son aîné qui lui enseignait tout ce qu’il savait.
Davide avait une fibre très artistique. Il passait son temps à dessiner, en particulier des personnages, s’attardant sur leurs vêtements avec un intérêt qui ne laissait que peu de doute sur sa passion. Un jour qu’il avait dut aller se coucher avant d’avoir eu le temps de finir un dessin, Lucius le mit de côté pour qu’il puisse le finir le lendemain. Mais quelque chose d’étrange se produisit. Quand il lui rendit le dessin, son frère cligna des yeux en fixant la feuille avant de le regarder sans comprendre.
« Qu’est-ce que c’est ?
Lucius le fixa avec surprise.
- Ce… C’est ton dessin. Celui que tu as commencé hier. Tu ne veux pas le finir ?
Davide plissa les yeux.
- Je… Je ne me souviens pas d’avoir dessiné ça.
Son grand frère sourit ;
- Tu as oublié ? Tu as eu l’idée de la tenue après qu’on ait regardé la télé ensemble. Et tu as demandé que je prenne la pose pour la position du personnage. Je pensais que tu te serais souvenu de ça.
Lucius finit sa phrase sur un rire qui mourut presque aussitôt face au regard troublé de Davide.
- Je n’en ai aucun souvenir. Lucius… Qu’est-ce qu’on a fait hier ?
L’ainé dévisagea longuement son frère. Il plaisantait. Il devait plaisanter. Il ne pouvait pas être sérieux. Mais son visage était sincèrement perdu et terrifié. Il lui prit doucement les mains, inspirant à fond ;
- Te souviens-tu de… D’avant-hier ?
Davide secoua la tête.
- Juste… Aujour’hui. »
Répondit-il d’une voix tremblante.

L’amnésie antérograde.
Davide souffrait d’amnésie antérograde. Il était incapable de créer de nouveaux souvenirs, et à cause de cela, il était incapable de planifier le futur. Lucius ignorait ce qui était arrivé pour qu’il développe cette amnésie, mais il se mit à veiller sur lui plus que jamais après ça.
Durant un jour d’été particulièrement chaud, Lucius proposa à son frère de se rendre à la piscine dans l’après midi pour se rafraichir. Mais une fois sur place, une vision d’horreur le frappa. Des bleus marquaient le corps de Davide à plusieurs endroits.
« Davide, qu’est-ce qui t’es arrivé ?! Quelqu’un te fait du mal ?
Le garçon mit un moment à comprendre ce à quoi son aîné faisait référence. Finalement, il posa un regard sur ses blessures et haussa les épaules.
- Je sais pas. Elles étaient là ce matin à mon réveil. Je me les suis peut-être fait en dormant ? Je ne me souviens de rien.
Un frisson horrifié traversa Lucius qui réalisa que la personne qui avait fait ça devait connaître la situation de son cadet, il savait qu’il ne se souviendrait de rien et qu’il ne pourrait pas le signaler, porter plainte, lui causer le moindre souci. Il attrapa les mains du garçon.
- Davide, je dois savoir ce qui s’est passé. Si quelqu’un te fais du mal…
Mais son frère sourit.
- Je vais bien Lucius. On va bien s’amuser ensemble. »
Inutile d’insister. Si son frère avait oublié, il n’en tirerait rien. Lucius allait devoir trouver un autre moyen de résoudre ce mystère. Il allait commencer par le signaler à leurs parents. Ils étaient peut-être au courant de quelque chose…

Il s’avéra que ses parents n’étaient au courant de rien. Mais ils assurèrent qu’ils allaient prendre l’affaire en main et lui dirent de ne pas s’en inquiéter.
« Ne pas m’inquiéter alors que Davide souffre ? Comment le pourrais-je ? Il est sous ma responsabilité ! »
Songea-t-il alors que, les jours passant, il ne parvenait à se défaire de son mourrons croissant, et que rien ne semblait bouger. Ses parents lui avaient dit qu’ils avaient signalé la situation à la police mais que, sans le témoignage de Davide pour savoir qui était responsable de ses blessures, ils étaient pieds et poings liés. Mais Lucius n’aimait pas ça. Il n’allait pas rester assis à attendre un miracle. Il allait mener l’enquête, et trouver le responsable lui-même.
Il s’attela aussitôt à sa tâche. Davide avait un emploi du temps constamment mit à jour pour l’aider à se souvenir ce qu’il avait de prévu, et ce qu’il avait fait les jours précédents. Lucius commença donc à noter la progression des blessures de son frère, et les comparer avec les activités de son emploi du temps. Il nota rapidement que quelque chose ne tournait pas rond. Il ne se faisait pas ses blessures quand il sortait, où quand il voyait d’autres gens. En fait, il se faisait ces blessures quand il était à la maison…
Un horrible pressentiment l’envahit.
Est-ce que ses parents avaient vraiment prévenu la police ?

Après cette sombre découverte, Lucius ouvrit l’œil. Il veillait à chaque interaction entre ses parents et Davide. Pourtant, rien ne semblait alarmant. Ils s’occupaient bien de lui et ne montraient aucun signe d’agressivité à son égard. Peut-être s’était-il trompé ? Peut-être avait-il fait des liens erronés ? Peut-être devait-il retourner à son enquête ? Peut-être n’était il maltraité par personne, et ses bleus n’étaient que le symptôme d’une maladie du sang ? Il avait besoin de plus d’indices. Plus de pistes. Mais il ignorait comment les trouver. Il se sentait terriblement impuissant. Il était prêt à tout pour protéger son frère. Mais tout ne semblait pas suffisant.
Et puis, tout sembla s’accélérer.
Alors qu’il rentrait à la maison à l’improviste, ayant finit ses cours plus tôt que prévu et comptant en profiter pour réviser au calme, il déboula dans une scène qui le révolta.
Depuis le début. C’était bel et bien ses parents les responsables des blessures sur le corps de Davide.
Une rage sourde l’envahit. Les mensonges. La confiance brisée. Les promesses dans le vent. Tout tourbillonnait en lui pour exploser en une apothéose de fureur et de culpabilité de ne pas avoir réussi à protéger son frère. Son sang bouillit dans ses veines, à tel point qu’une vive douleur le submergea. Son dos semblait se déchirer. Son front semblait se percer. Le dos de sa main le brûlait violemment. La dernière chose qu’il vit fut un vif éclat de lumière.
Puis, les ténèbres.

Lucius ne se souvint jamais des évènements qui suivirent avec précisions. Juste de vagues bribes. Des flashs. Et des traces cauchemardesques prouvant que tout ceci était bien réel. Il s’était réveillé dans la douleur. Dans un lit d’hôpital. Et, après un moment de confusion, après qu’on lui ait expliqué, ces souvenirs confus lui étaient revenus. Il s’était transformé en démon. Il avait tué ses parents. Mais il n’avait aucun contrôle du démon en lui. Il avait tué son frère. Davide. Qu’il avait juré de protéger. Des larmes coulèrent pendant qu’il continuait à rassembler ses souvenirs. Il avait continué à se déchainer jusqu’à ce que des gens interviennent. Ils l’avaient retenu. Ils avaient des pouvoirs. Et il avait finit par perdre connaissance.
Après cet évènement, il nota des changements physiques. Ses yeux étaient devenus rouges. Un pentagramme était apparu là où sa main l’avait brûlé, et refusait de disparaitre. Il enfila des gants pour le cacher, pétri de honte. Il avait signé un pacte avec le diable, et c’en était la marque.
Il nota d’autres changements. Le plus flagrant fut le goût. Plus rien n’avait de goût. Ses plats préférés. Ses plats détestés. Tout était devenu insipide. On lui expliqua que certains traumatismes pouvaient faire perdre le sens du goût. Il découvrit ensuite quelque chose de plus perturbant. Il avait conscience de choses qui se passaient derrière lui. Un peu comme s’il les voyait. Mais sans les voir. Quant il marchait dans la rue, il était conscient de ce qui se passait dans les maisons aux stores ouverts. Au début, tout cela était horriblement étouffant. Il « voyait » tout un tas de nouvelles choses en même temps, d’un coup, et ne savait plus se concentrer. Les médecins crurent que c’était à cause du choc et lui planifièrent des séances de rééducation. Avec le temps, il apprit à filtrer les informations comme on filtre n’importe quel autre sens.

Mais la culpabilité le brûlait toujours comme au premier jour. Il avait trahit son frère. Il s’était allié au diable. Il avait trahit tout ce en quoi il croyait. Alors, pour racheter ses pêchés, il quitta l’Italie et voyagea jusqu’en Grèce où il se présenta à Athéna pour rejoindre le camp des Chevaliers afin de  défendre l’humanité. Il n’était pas un héros- du moins, il ne pensait pas être un héros- mais un simple humains qui avait fricoté avec Lucifer en personne. Toutefois, ses nouveaux pouvoirs devraient pouvoir rendre service à l’humanité au même titre que n’importe quel héros.
En parallèle, il continua ses études, et ouvrit un cabinet de détective privé. L’incident avec son frère avait réveillé en lui une soif de justice. Il désirait que plus jamais un tel drame ne se répète.