Niels a gardé très peu de souvenir de son enfance, son pouvoir l’effaçant peu à peu. Il se souvient des sourires de sa mère et des bras musclés de son père, quand ils le berçaient le soir. Ses parents étaient tous deux norvégiens, venus aux Etats-Unis pour faire prospérer une petite affaire de montre, qui devint rapidement une marque de luxe là-bas. Monsieur Hugin était rapidement devenu le genre de gros patron, à qui on ne disait jamais non. Il avait juste à claquer des doigts pour qu’on obéisse à ses ordres. Il avait même renoncé à ses origines nordiques, pour tenter de se lancer en politique. Madame Hugin, avait profité de l’argent de son mari, pour finir ses études sur place et devenir avocate. Bizarrement, elle traitait surtout les affaires concernant son mari, afin qu’ils puissent toujours gagner et avoir plus d’argent. En somme, ils étaient l’exemple même du rêve américain.

Malheureusement pour lui, Niels se souvient beaucoup mieux de la raison qui l’a fait quitter le domicile familial. Car oui, il est bel et bien possible de vouloir quitter une famille riche, surtout quand cette famille partait un peu en vrille. Les souvenirs que le jeune homme était sûr d’avoir encore, remontaient à ses quinze ans. Pour son quinzième anniversaire, ses parents ne s’étaient pas rendus disponible pour lui, pire encore, ils avaient complètement oublié son existence, le laissant en permanence avec une nourrice. Si elle n’avait pas été là, le garçon n’aurait plus de souvenir de l’amour d’un proche, car même le peu d’amis qu’il avait eu s’étaient éclipsés avec les années ; des amis qui étaient comme leurs parents, des gens pleins d’argent, qui pensent que le monde leur appartient. Mais pour ses quinze ans, aucun ami n’était venu, aucun membre de la famille ne s’était occupé de lui, il était resté seul avec sa nourrice, seule personne à lui avoir fait un cadeau et un petit gâteau. Ce fut à ce moment-là que tout bascula pour lui, lui qui était née américain, mais qui se sentait norvégien dans l’âme. Il avait alors réuni l’argent qu’il pouvait, vidant même le compte que ses parents avaient ouvert pour lui, afin qu’il reçoive beaucoup d’argent de poche toutes les semaines, et qu’il décida de quitter cette vie pourrie. Il venait de commencer sa première révolte contre ses parents, en se faisant tatouer pour la première fois, afin de bien marquer le coup.

C’est ainsi qu’il se retrouva avec sa première rune, celle d’eiwaz, signifiant la mort. Pour le garçon, elle signifiait un nouveau départ en coupant les liens avec ses parents. Les liens furent pourtant toujours présents, puisqu’il commença sa rébellion, même s’il ne pouvait pas faire grand-chose du haut de ses quinze ans, il allait commencer à lutter contre cet empire créé par sa famille. Lentement, il récupéra les informations dont il avait besoin pour pourrir la vie de ses parents, mais aussi qu’il découvrit autre chose.

Alors qu’il faisait des recherches à la bibliothèque, cherchant à comprendre pourquoi ses parents s’intéressaient à la forêt amazonienne, il se retrouva encerclé par des gardiens. Un jeune de quinze ans, qui sentait plutôt fort, avec des vêtements sales et furetant dans les rayons d’une grande bibliothèque de New-York, était parmi le top classement des gens à sortir en vitesse. Il venait tout juste de finir de noter ce qu’il cherchait, qu’on l’interpella à l’autre bout du rayon. Ses yeux se posèrent sur l’homme, avant de se rendre compte qu’un second était derrière lui. Dans la panique, il lança un livre sur l’un d’eux, avant de foncer vers le second. Il n’arrivait aucune chance de réussir à passer, mais la peur aidant, il déclencha pour la première fois son pouvoir, découvrant ainsi qu’il était un héros. Un corbeau venait de sortir de sous ses vêtements, fonçant vers le visage du gardien. L’animal n’était pas constitué de plumes, mais d’une matière étrange, comme s’il était directement fait d’encre. Aussitôt l’assaut terminé, l’oiseau avait disparu, laissant le passage libre pour le garçon. Il s’était alors mit à courir dans les rues, sans réel but.

La vie du garçon était devenu assez simple, vivant au jour le jour, profitant d’abord de son jeune âge pour avoir des repas gratuits et parfois la permission de se laver. L’argent qu’il avait récupéré devait lui servir plus tard, quand il en aurait vraiment besoin. Pour le moment, il cachait l’argent quelque part, pour ne pas se le faire voler et attendre d’être plus âgé pour voyager à travers le monde et couler les projets de la compagnie. Le temps passant, il avait fini par rejoindre une bande, le genre qui trainait dans les rues le soir, mais qui avait des idéaux et voulait renverser le gouvernement pourri du pays. Niels avait doucement changé avec les années, recouvrant son corps de toujours plus de tatouages. Il avait compris, avec la pratique, que seules les runes étaient en lien avec son pouvoir. Chacune des runes qu’il se faisait tatoué, prenait l’apparence d’un animal, qu’il pouvait faire combattre un temps avec lui. Il se rendit aussi compte, qu’il commençait à perdre quelques souvenirs. Il n’avait pas vraiment fait attention au début, se disant que ce n’était pas si grave, mais plus le temps passé et moins il voulait utiliser son pouvoir, même si le contrecoup n’était pas si énorme finalement.

Avec les années, il s’était même isolé du groupe, préférant rester seul de son côté, pour ne pas perdre de souvenir utile avec eux. Quand il put enfin quitter le pays, il commença son plan de démantèlement de la société familial. Il commença donc par le Brésil, là où ses parents voulaient extraire de l’or, un métal précieux, pratique dans la mécanique des montres, mais aussi pour les rendre plus chère. Une fois qu’il eut terminé son travail sur place, il changea de pays, passant par l’Europe, puis vers l’Asie. Ce ne fut qu’une fois arrivé en Inde, qu’il se rendit compte qu’il n’était plus très loin d’un camp de dieu. Par chance, il voulait défendre en priorité la nature, sans pour autant tuer des gens, alors se rendre dans ce camp lui semblait normal, et surtout, peut-être pourrait-il mieux comprendre son pouvoir.

En arrivant sur place, le jeune homme eut droit au meilleur accueil qu’il n’ait jamais eu. Devant un immense bâtiment, ou plutôt une grange, se tenait une femme, un large sourire aux lèvres, offrant des graines à des personnes de tout âge. Elle avait un regard que Niels avait connu autrefois, celui d’une mère envers son enfant. Pourtant, il était sûr qu’elle ne pouvait pas avoir autant d’enfants. En allant lui parler, il put découvrir qu’elle n’était autre que Déméter, la déesse de l’agriculture, mais qui a un impact sur les saisons et les forêts. La chaleur maternelle qu’elle dégageait fut si forte, qu’il se sentit immédiatement bien ici, comme s’il était enfin à sa place. Elle l’avait accueilli, comme s’il était son propre fils, lui offrant pour la première fois l’envie de rester et de s’attacher aux gens.

Si les multiples utilisations de son pouvoir, avait effacé son enfance, le jeune homme savait maintenant qu’il devait garder ses souvenirs, le plus longtemps possible. Il commença à noter tout ce qu’il avait fait dans la journée, afin de garder ses souvenirs plus facilement. Il décida aussi, après ses journées de travail, de s’entraîner avec une arme. Ayant plutôt l’habitude d’utiliser ses poings, il se décida sur des gantelets à griffes, lui rappelant les serres d’un corbeau. Il apprenait enfin à vivre, à être heureux, mais avait encore du mal. Pourtant, l’heure des missions allait arriver un jour, alors autant qu’il se prépare déjà.