Chapitre 1 : Mort et Naissance

Je vous ai déjà raconté l’histoire de Calynne, la petite Harpie américaine, douce et attachante. Mais, j'ai une autre histoire à vous raconter et, celle-ci, va nous conduire au fin fond de la Norvège, dans un village où le temps semble s'être arrêté. Il y a une vingtaine d’années, ce village vivait paisiblement en autarcie, tranquillement posé sur le flan d’un fjord. Autant dire que la vie y était rude. Coupé du Monde, les enfants ne survivaient pas toujours aux rudes hivers, assez froids pour geler la mer en contrebas et figer le paisible village sous une épaisse couche de neige. Cependant, ce n’est pas en hiver que débute cette histoire, mais à la fin de l’été.

Des cris de douleur s'élevèrent de la maison de l’herboriste. Elle y vivait seule avec son mari qui était, à ce moment-là, partit à la chasse. Le guérisseur du village ne comprenait pas ce qu’il se passait car le bébé n’aurait pas dû arriver avant le milieu de l’automne... Comme annonciateur de malheur, la lune croisa brièvement la route du soleil, plongeant l’ensemble du village dans le noir alors que des cris de bébé s’élevèrent dans la maison de l’herboriste. Une petite fille venait de voir le jour au milieu des ténèbres. La petite, prématurée, n’avait aucune chance de survivre dans cet univers d’un autre temps... À supposer qu’elle passe les trois mois d'automne par miracle, elle n’avait aucune chance de passer l'hiver et, pourtant, l’herboriste insista pour la garder contre elle le temps que son mari rentre à la maison... Mais ce moment n’arriva jamais. Quelque-jours plus tard, le chasseur sera retrouvé en bas d’une falaise. Une rumeur monta du village comme quoi il aurait trébuché et aurait dégringolé en contre bas à cause de l’éclipse, au moment même de la naissance de sa fille... Cette petite fut rapidement traitée comme une créature maudite par l’ensemble des gens du village, n’apportant que mort et malheur autour d’elle. Mais pas par sa mère qui veillait sur elle et l’appela Aleksandra.

L'Automne et l’Hiver passèrent... Contre toute attente, le bébé avait survécu. Il faut dire que sa mère, herboriste, s’était nourrit elle-même des plantes médicinales les plus nourrissantes qu’elle connaissait pour rendre son lait maternel plus à même de combler les carences de sa fille. Désormais, cette petite chose fragile était sa seule famille et la jeune maman comptait bien l’aider et la protéger de toute son âme quitte à prendre les armes contre ceux qui voulaient du mal à Aleksandra. Heureusement, cela n’arriva jamais.

Chapitre 2 : Amitié

Quelques années plus tard, une petite tête blonde jouait toute seule avec un morceau de bois, essayant de le sculpter maladroitement à l’aide d’un couteau. Une fillette aux cheveux roux était venue la rejoindre et lui proposa, plutôt, de venir jouer avec elle. Ce jour-là, Karen devint son amie... Sa seule amie. Mais elles ne jouaient pas souvent ensemble car, l’une et l’autre, avaient des obligations auprès de leurs familles respectives sans compter que, bien qu’Aleksandra ait survécu à sa petite enfance, elle restait une enfant fragile et tombait régulièrement malade, au moins une fois chaque hiver... Néanmoins, à chaque fois, elle survivait. Petit à petit, suivant l’enseignement de sa mère, elle apprit à se soigner toute seule.

Autant dire qu’elle ne gagnait que rarement contre Karen. La rouquine était plus grande et plus forte. Parfois, par ruse à la limite de la tricherie, Aleks pouvait tirer son épingle du jeu mais son amie était maline également et elle apprenait à déjouer ses petites farces. La petite tête blonde ne gagnait contre son amie qu’au hnefatafl, un jeu de stratégie comparable aux échecs auquel elle brillait particulièrement malgré son jeune âge. Cela ne les empêchaient pas de s'amuser quel que soit le jeu et la frêle enfant adorait toujours passer du temps avec son amie.

C’est à l’âge de douze ans que sa vie commença à prendre une Mauvaise tournure... Cet hiver-là, elle fut plus malade encore que d'habitude et, c’est durant cette période que le frère de Karen disparu. Elle aurait voulu l'accompagner pour partir à sa recherche, mais la fièvre la clouait irrémédiablement au lit. La petite rousse retrouva son frère mais failli y laisser la vie... Cependant, une rumeur montait dans le village comme quoi Karen aurait usé d’une magie interdite... Le temps qu’Aleks se rétablisse à son tour, son amie était sur le point de partir avec un étranger aussi imposant qu’un ours adulte... Un Berserker ?! Elle lui supplia de rester, mais elle comprit rapidement que son amie n'avait aucun avenir dans ce village loin de tout et qu'elle était promis à un meilleur avenir. Cependant, c'était aussi parce que tout le monde lui avait tourné le dos, y compris sa famille. Plus rien ne la retenait désormais. Alors elle la laissa partir en lui promettant, qu'un jour, elles se reverraient. Aleks ne pouvait lui en vouloir et, elle-même se promit de partir le jour où elle trouverait sa voie en ce monde.

Chapitre 3 : Folie et Magie

A partir de ce jour, Sa mère sentait que les choses se gâtaient pour sa fille... Elle parlait toute seule, riait seule et son regard avait changé. On aurait pu penser à l’arrivée de l'adolescence mais il se passait toujours des choses étranges lorsqu'elle laissait sa fille toute seule. Un jour, elle crut même voir Karen assise à côté d’Aleksandra mais, un clignement de paupière plus tard, le fantôme avait disparu. Aleksandra était de plus en plus bizarre et semblait commencer à inventer de nouvelles potions avec des plantes de plus en plus dangereuses. Mais ses malheurs ne s’arrêtèrent pas là. L'hiver qui suivit, ce fut sa mère qui tomba malade. Cette mésaventure ramena la frêle enfant sur Terre et, plus que jamais, elle se mit au travail pour essayer d’aider et sauver sa mère. Malgré toutes ses connaissances en herbes médicinales et l’aide du guérisseur, rien n’y faisait. Son état empirait. Aleks restait inlassablement au chevet de sa mère, refusant de s’alimenter ou de se reposer, innovent continuellement d’ingéniosité pour la soigner... Son esprit se brisait petit à petit et, à mesure que la vie quittait celle qui l'avait mise au monde, la folie gagnait du terrain dans son esprit. Il faut la comprendre. Cette femme qui lui avait donné la vie, dans tous les sens du terme, était mourante. La dernière personne proche d’elle qui l’aimait était sur le point de l’abandonner, de la laisser seule. Sa mère eut un dernier soupire et une larme coula sur sa joue alors qu’elle murmurait « Pardonne leur... »

Elle resta un long moment à lui tenir la main... Combien de temps ?... Aleks ne saurait le dire. Assez pour qu’elle ne sente même plus ses propres doigts. Ce fut un groupe de villageois qui entrèrent dans la maison avec fourche et haches, la traitant, encore une fois, de « Bokmal », ou malédiction qui la fit lâcher prise. Ce fut la goutte de trop. Aleksandra se releva et se retourna... Un sourire dément dépeint sur son visage fit reculer d’un pas les envahisseurs, mais il n’y eut pas que cela. Ses yeux avaient viré au rouge-rose alors que, dans une lueur rose pâle, le gigantesque loup Fenrir apparu derrière elle, ses yeux brillant comme des lampes et ses crocs découverts, laissant échapper un grognement plus vrai que nature. Des serpents ondulaient à leurs pieds et, dans cette même lueur rose pâle, l’armure de Loki, fils d'Odin, apparu sur le corps de l’adolescente. Elle-même ne savait pas ce qu’il se passait. Tout ce qu’elle savait, c'était qu’elle faisait vivre à l’ensemble des personnes, qui lui avait pourrit la vie depuis sa plus tendre enfance, le même cauchemar que celui qu’elle vivait chaque nuit. Les villageois reculèrent et Aleksandra avança vers yeux, les Serpents et Fenrir montrant les crocs, menaçant, alors que la jeune femme écarta les bras, son sourire malsain s’élargissant, victorieuse dans sa folie naissante.

« Qu'est-ce qui vous surprends ? N'est-ce pas ainsi que vous m'avez toujours vue ?... »

Elle passa sa langue sur ses fines lèvres... L’odeur de la peur lui plaisait. Fenrir se préparait à bondir et les serpents à mordre. L’un d'eux s’enroula autour du cou d’Aleksandra alors que le village tout entier prit la fuite. Aleksandra s’effondra sur un genou alors que les illusions s’effacèrent. Elle était épuisée mais heureuse comme jamais. Un rire dément raisonna dans la maison durant plusieurs secondes jusqu’à ce qu’elle entendît à nouveau des cris à l'extérieur et une odeur de brulé lui piqua le nez... La maison prenait feu.

« MAMAN ! »

Elle courut prêt du cadavre de sa mère et essaya de la tirer à l'extérieur. Mais la petite adolescente était bien trop faible de base, en plus d’avoir été affaiblit par son propre feu. Elle ne réussit qu’à la faire tomber de son lit et fut rapidement contrainte à l’abandonner. Mais, avant de sortir de la maison, elle récupéra le bracelet de sa mère et le couteau de chasse de son père. Une fois dehors, elle fut à nouveau menacée par tout son village. Sa maison brulait... Et sa rage explosa.

« Un jour je reviendrai... et je raserai cet endroit ! JE VOUS TUERAI TOUS ! »

Promit-elle alors que l’on se jetait sur elle. Mais il s’agissait encore d’une illusion. La vraie Aleksandra était déjà partie.

Chapitre 4 : Destin

Elle n'aurait, surement, pas survécu longtemps sans cette chance qui la suivait depuis sa naissance. En contrebas, elle tomba sur une barque et remonta le fjord jusqu’à tomber sur un autre village, plus moderne, où on la soigna gracieusement et où elle put reprendre des forces, car il va sans dire qu’elle était au comble de l'épuisement. Aleks, ayant retrouvé ses forces, continua sa route vers le sud, en profitant pour développer ses nouvelles capacités. Dépourvue d'argent, elle était obligée de voler pour survivre. Heureusement, grâce à son don, elle s’en tirait sans mal presque à chaque fois mais le regard qu'on lui portait la dégouttait. Plus que les personnes de son village, c'était contre l'humanité toute entière qu'elle en voulait. Ne pouvant faire confiance en personne et refusant de quérir l’aide des dieux étrangers, elle se tourna vers les dieux de son enfance, en particulier Loki, dieu de la malice, qui avait guidé ses pas jusque-là.

Bien entendu, elle commença à acquérir une certaine réputation dans la ville de Bergen -où elle avait trouvé refuge- et, bientôt, des avis de recherche à son effigie furent placardé sur les murs et misent en ligne sur internet. Mais, ce n’était pas un problème pour une personne qui pouvait changer d'aspect comme bon lui semble. Finalement, sa renommée fut telle que l’on commençait à louer ses services : Vous voulez braquer une banque ? Donnez-lui les plans et Aleks s’en chargera. Une personne à assassiner ? Donnez-lui une photo et Aleks s'en chargera... Dénuée de pitié et de remords, elle avait trouvé sa voie. Elle apprit l'anglais, les mathématiques complexes et se prit d’une passion pour les comics américains et les films Marvels mettant en scène son dieu favori (même si elle déchira l’écran de colère le jour où elle est allée voir un film affublé du nom « Infinity War »).

Mais le destin la rattrapa bien vite. Elle reçut un message de la part du dieu de la guerre en personne, Ares, qui l’invita à se présenter chez lui, au cœur du désert africain. Dans un premier temps, elle fut tentée de refuser, bien décidée d’humilier ces « faux dieux »... mais leur puissance n'était pas à sous-estimer. Alors elle prit le premier avion pour le désert du Sahara. Elle savait qu’il y faisait chaud mais l’écrasante chaleur qui y régnait était bien plus importante qu’elle ne le soupçonnait, elle qui a toujours vécu en Scandinavie... Dépourvu de pudeur, histoire de se sentir plus ou moins à l'aise, c’est en sous vêtement qu’elle se dévoila à Ares. Néanmoins, elle portait toujours son bracelet au poignet et le couteau de chasse à sa ceinture. Elle se présenta comme « Aleksi, fille de Loki » avec un puissant accent nordique nullement dissimulé, un sourire provocateur sur le visage. Le message était clair : Elle attribuait ses dons aux dieux nordiques et non aux dieux Grecques. Impossible de savoir ce qu’en pensait Ares qui était resté impassible. Après un moment de réflexion, ce fut Hermes qui trainait dans les parages, semblerait-il,  qui proposa à Aleks de travailler pour lui. En échange, elle aura des contrats plus intéressants, mieux payer et un toit... ainsi qu'une nouvelle famille parmi les mercenaires. Cette dernière perspective la fit réfléchir. Elle resta toute la nuit au camp et, après réflexion, elle finit par accepter. De toute manière, ce n’était pas comme si elle avait vraiment le choix. Un refus aurait été mal avisé… Et puis... Si le dieu de la guerre, celui qui l'a tiré de sa petite vie tranquille, venait à disparaitre, ne pourrait-elle pas prendre sa place ?... C'était une idée complètement folle mais, désormais, elle donnait à Aleks un objectif, aussi fou et ambitieux qu’elle. Aleksi Déesse de la Guerre… ça lui plaisait.