Il fait chaud en Grèce, on ne m’avait pas mentit là-dessus. Mais vous savez quoi ? Ce n’est rien comparé aux morsures du soleil du désert. Arès peut avoir des vues… He bien… Spartiates des choses. Et dangereuses. Mais parfois, elles portent leurs fruits. La chaleur du jour et le froid de la nuit m’ont taillé au fil des semaines et des mois que j’ai passé là-bas. Maintenant, mes voyages à travers le monde ne sont guère dérangés par les climats variés que je peux rencontrer.

Ce n’est pas le cas des touristes que je peux voir fourmiller dans les rues, usant de méthodes diverses et variées pour se rafraichir. Ici, un dépliant leur sert d’éventail. Là, ils ont acheté une boisson fraiche à un stand. Ceux-là sont venus préparés avec une gourde qui se vide dangereusement vite. Ces gens-là ne sont pas à leur place ici, et ça se voit. Ils deviennent ainsi des victimes faciles, et des victimes qui transportent généralement une belle somme sur eux. Il est difficile de résister à de telles proies quand on peut les cueillir sans effort. Alors j’étais en train de me faire un jolie pactole en proposant mon aide à tous ceux qui croisaient mon chemin, quand j’aperçu cette femme.

Elle marchait dans la rue en brandissant un appareil fraichement acheté. Est-elle stupide ? Désire-t-elle se faire voler ? Règle numéro un de la survie en milieu urbain ; ne jamais agiter un appareil technologique devant tout le monde, surtout s’il est neuf ! C’est comme DEMANDER à se faire voler !
Enfin, tant pis pour elle. Je ne vais pas l’épargner parce qu’elle ne semble pas bien intelligente. Je dirais même ; la voler lui enseignera une bien meilleure leçon que simplement la prévenir ! Je m’approche d’elle en souriant innocemment, revêtant mon costume d’étudiant sympathique. De visiteur perdu.

« Excusez-moi ! Vous pourriez m’aider ? Je voudrais visiter l’acropole, mais je n’arrive pas à me retrouver. Ces cartes européennes, elles sont si différentes de chez moi ! Vous pourriez m’aider ? On est où exactement sur la carte ? Et où est l’acropole ? Et par où dois-je partir ?

Pendant que je captais son attention sur une carte, la dépliant totalement pour masquer son appareil, je le saisis pour le glisser dans ma poche.
Allons, tout le monde aimait la magie non ? Et tout le monde paierait pour voir un spectacle de magie ? Voyez ça comme mon paiement.

Pff ! Elle est toute coincée en plus ! Celle-là, elle va se faire dévorer toute crue par les autres ! J’ai presque pitié d’elle. Presque. Mais à son âge, être encore aussi naïve et timide, ce n’est pas sérieux. Tant pis pour elle si elle se fait avoir, les victimes sont là pour que les autres profitent d’elles. Elle n’aura qu’a se plaindre à ses parents de ne pas l’avoir prévenu que le monde est dangereux.
Alors que je m’éloigne d’elle, je sors mon trophée de ma poche et mon sourire disparait aussitôt. C’est QUOI cette merde ! Elle vient d’une autre époque ou quoi cette idiote ? Cet appareil est complètement anachronique ! JE N’EN AI JAMAIS VU DE MA VIE ! J’étais sûrement encore en Corée du Nord quand il est sortie ! Je ne pourrais rien tirer d’une stupidité pareil, comment ça pouvait être neuf et vieux à la fois ? Peut-être un collectionneur en voudrait-il ? Sinon, c’était bon pour la poubelle, personne ne serait prêt à me payer quoi que ce soit de rentable pour un truc que plus personne n’utilise.
Je sors mon propre portable pour cherche sur internet l’année de sortie de ce déchet, histoire de savoir si c’est assez vintage pour intéresser les collectionneur, quand j’entends un cri derrière moi.
Putain.
C’est l’autre coincée.
Elle peut crier celle-là ?
Je range tout avant de reprendre mon sourire innocent et de me tourner vers elle… Et de me figer instantanément. Ses yeux ont changés de couleur. Elle a une lance dans la main. C’est une héros.
C’est pour CA qu’elle est encore en vie malgré sa naïveté ! C’est comme un genre de grosse tortue. Pas la tortue alligator avec une mâchoire qui peut broyer plus que certains prédateurs. Non. Juste une grosse tortue toute pataude qui attire les carnivores, mais dont la carapace est trop robuste pour être percée. Dommage pour elle. Je suis aussi un héros. Je suis au dessus dans la chaine alimentaire.

« Excusez-moi ? Qu’y a-t-il ? Vous vous êtes trompées sur les instructions ? Pourquoi me menacez vous avec une lance ?

Je demande avec une mine innocente, faisant papillonner mes cils avec une fausse confusion. Quel artiste ! Quel acteur !

Elle semble être sûre que c’est moi qui l’ai volé. Je veux dire. C’EST moi qui l’ai volé, mais elle n’a aucune preuve de ça pour en être aussi sûre, n’est-ce pas ? Je peux encore me sortir de cette situation par mes talents d’acteur et de prestidigitateur. Alors qu’elle me demande de lui rendre ce qui lui appartient- désolé ma chère, volé c’est volé, reprendre c’est… bah… heu… voler à nouveau, mais du coup il faut donner du siens- je lui lance un regard confus.

« Rendre ce qui vous appartient ? J’ai peur de ne pas comprendre. Je ne vous ai rien prit. Que voulez-vous dire ? Avez-vous perdu quelque chose ? Vous voulez que je vous aide à le retrouver ?

Je parle avec un sourire charmeur. Pas le sourire charmeur qu’un Don Juan offrirait à la cinquième femme qu’il drague de la journée, mais celui qu’on attendrait d’un enfant bien élevé. Puis, je laisse mon regard s’illuminer de la lueur de la compréhension ;

- Ooooh ! Vous faites référence à cette chanson étrangère ? Vous avez perdu votre cœur, et c’est un garçon au sourire enjôleur qu’il l’a emporté par erreur ? Je suis flatté, vraiment. Mais, sans vouloir vous offenser, vous êtes un peu vielle pour moi.

Je désigne sa lance du doigt avec une moue gênée ;

- Vous pouvez baisser ça ? C’est dangereux de pointer ça sur les gens dans la rue, et ce n’est pas poli. Vous pourriez blesser quelqu’un. Regardez autour de nous, vous faites peur aux passants. Je suis sûr que cette affaire de justifie pas un tel chahut ! »

Je tourne ensuite un regard désolé vers la personne la plus proche, comme si je m’excuse du comportement de celle que je viens de voler, m’amusant à retourner la charge des responsabilités. La rendant coupable aux yeux des gens de faire une scène, et me faisant passer pour un petit ange innocent qui essaie de calmer le jeu.