Selena tremblait de froid. Au sommet du mont Ida, la jeune femme reprenait difficilement son souffle, son sang souillant la neige en pourpre. Elle entendait déjà les chants d’Olympe l’accueillir alors que la vie quittait petit à petit son corps. 11 flèches étaient figées un peu partout sur son corps, tirées par des monstres issus des livres de son enfance. À genou, les yeux rivés vers les cieux, Selena essayait de se souvenir comment avait-elle pu en arriver là…

30 ans auparavant, les Dieux grecs étaient revenus sur terre, 4 ans avant sa naissance, en particulier une très célèbre dans son pays natal : Athéna. Ses parents s’étaient changés en fervent croyant alors que -comme le disait si bien sa grand-mère- jamais auparavant ils n’avaient daigné ne serait-ce que s’intéresser à leurs histoires. C’était sa chère grand-mère qui avait proposé de l’appeler Selena en hommage à l’ancienne déesse de l’astre lunaire Selênê, très influente en Crète. Elle prit soin de lui apprendre tous les mythes, les histoires concernant les Dieux ainsi que de vieilles coutumes orales crétoises pour les honorer. À ses 8 ans, ses parents quittèrent la Crète avec Selena pour s’installer à Athènes, afin d’être plus proche d’Athéna. Selena était tout sauf leur priorité. Bien trop occupés par leur fanatisme, ils laissèrent plus ou moins de coté leur fille. À l’école, au collège, au lycée et enfin à la fac, la demoiselle ne se fit jamais remarquer. Pas de mauvaise note, ni de bonne pour autant. Pas de petit copain, ni d’amis réellement proche. Ce n’était pas faute d’avoir essayé ! Mais ses lettres d’amours et ses « demande d’amis » n’avaient jamais eu de réponses. Alors à la fin de ses études, Selena Ioannis préféra retourner en Crète, chez sa grand-mère, avant que celle-ci ne rejoigne les cieux.
Ces deux années de répit, loin du chaos du monde lui firent le plus grand bien. Sa grand-mère, plus qu’heureuse de la retrouver lui apprit toutes sortes de nouvelles choses. Comment se nourrir dans la nature, quelle plante pouvait servir pour soigner tel ou tel mal. Malheureusement, toutes les bonnes choses aillant une fin, elle finit un jour d’automne par s’éteindre. Selena avait averti ses parents et sans surprise ces derniers n’avaient pas daigné lui répondre. Le cœur lourd, la jeune femme enterra celle qu’elle considérait comme sa véritable mère au sommet du mont Ida, la plus haute montagne de Crète et décida de rester y vivre, loin du monde. Mais le monde ne voulait visiblement pas vivre sans elle…

Une partie du mont Ida était prisée par les skieurs en hiver mais en général mis à part un petit hameau niché, l’endroit était désert. Selena descendait, rarement, jusqu’au village pour acheter quelques emplettes puis elle retournait se terrer là-haut. Dans sa petite baraque, la jeune femme avait conçu une armure très chaude pour résister au froid. Ça lui rappelait le temps où elle pouvait coudre avec sa famille…Agée de 26 ans, la jeune femme se voyait déjà mourir ici dans une quarantaine d’années. Pas de téléphone, pas d’ordinateur, rien de moderne. Des livres, des bougies et le silence. Selena avait choisi son tombeau.

Mais le sort n’en décida pas ainsi ! Alors qu’elle lisait paisiblement pour une énième fois une romance qui lui tenait à cœur, on toqua violemment à sa porte. Sans attendre sa réponse, l’inconnu ouvrit la porte (qui était toujours ouverte, qui allait voler quoi ?) et cria :
« Il faut fuir ! Le village est attaqué ! C’est un carnage, prend tes affaires et fuit ! »

Selena se leva d’un bond. L’homme n’avait pas parlé en grec. Il avait parlé en patois crétois et la terreur dans ses yeux ne saurait mentir. Ni une, ni deux Selena enfila son armure, remplit son sac de bouquin, et après un moment d’hésitation, elle prit la vieille lance toute rouillée au fond de sa cabane. Elle appartenait à sa famille depuis des lustres, alors, comme si c’était son dernier devoir, elle l’avait conservé. Ce souci réglé, un nouveau persistait : comment descendre sans tomber sur les monstres en contrebas ?

Les jambes en feu, Selena et son acolyte de fortune avaient dévalés la pente à une vitesse peu recommandable vu comment ces derniers étaient chargés. Mais ils avaient enfin atteint le village. Enfin…Ce qu’il en restait. Le petit hameau était devenu un cimetière. Epouvantée, Selena arpenta le village comme au ralentit. Qu’est-ce que… ? La réponse vint d’elle-même : des monstres mythologiques sortit tout droit d’un esprit sordide. Armé d’arc et de flèches, les créatures s’intéressaient à présent aux nouveaux protagonistes. L’homme aux cotés de Selena commençait à trembler de peur, tétanisé par les atrocités qui leur faisait face. Ces dernières commençaient à bander leurs arcs et à viser leurs trognes. Mais Selena, elle, ne tremblait pas. Enfin si, mais pas de peur. La demoiselle regardait les cadavres qui jonchaient le sol sur le tapis de neige et une rage incommensurable monta en elle.

« C’est vous qui avez fait ça ? »

Son sac tomba au sol dans un bruit sourd. La lance fermement tenue dans sa main droite, elle fonça tête baissée dans le tas. Un bouclier brillant de mille feux apparut dans sa main gauche et la lance auparavant rouillée et vétuste avait repris toute sa splendeur antique. De toute sa force, elle fit voler l’arme d’hast en direction d’un belligérant, le clouant sur place. Folle de rage, Selena arrivée à bonne distance fracassa le crâne d’une des chimères. Plus rien ne semblait la contenir. Ses yeux miroitaient d’un jaune surnaturel. Une flèche se figea sur sa jambe, tandis qu’une autre fut paré par son bouclier. Le ton était donné : ça allait saigner.

Voilà comment la jeune femme en était arrivée là ! Reprenons donc là où nous l’avons laissé voulez-vous ?

Donc, toute sanguinolente, la demoiselle essayait tant bien que mal de se relever. Arrachant non sans peine les flèches logées dans sa chair. Le jeune homme qui était resté estomaqué par cette spectaculaire performance n’avait pas bougé d’un pouce. Subitement comme s’il reprenait vie, il courut porter assistance à sa sauveuse.

« Vous êtes une Héroïne ! Une Héroïne ! »

Mais l’Héroïne en question commençait à rapidement perdre connaissance.

« Ramenez-moi…À Athènes… »

Quelques jours passèrent, Selena pu soigner ses blessures, et la revoilà sur pied en direction du temple d’Athéna. Elle n’avait pas prévenu ses parents, elle se moquait éperdument du regard interloqué des gens dû à sa tenue étrange et sa lance rouillée dans son dos. La jeune femme n’avait qu’une idée en tête : prêter allégeance à Athéna. Elle avait enfin trouvé un but à sa vie, servir l’Humanité.