Heureux de l’entendre accepter, le jeune homme laissa planer un petit sourire sur ses lèvres, avant de lui répondre.

   
 

- Quand on parle de mythologie, je crois qu’on peut considérer que tout est vrai, même le truc le plus incohérent.

Niels n’avait pas d’exemple sous la main, sa mémoire ne l’aidant pas pour ça, mais s’il l’avait, il aurait surement pu parler de la naissance d’Athéna, qui sortit de la tête de son père, après un coup de marteau de Héphaïstos, qui lui-même était né de Héra, jalouse que Zeus ait donné naissance à Athéna seul.

Le faucheur attrapa rapidement un carnet et un crayon, avant de commencer à écrire ce que lui racontait la jeune femme. Il buvait ses paroles, comme si elle était la porte-parole des dieux nordiques. L’américain redessine même le tracé de la chasseresse, afin de mieux visualiser le monde dans lequel ils se trouvaient. Sa concentration était telle, qu’il ne faisait plus vraiment attention à ce qui l’entouré et donc perdait partiellement cette timidité maladive qu’il avait. Alors, sans s’en rendre compte, et parce qu’il commençait à avoir terriblement chaud avec cette nuit lourde et humide, il retira le haut de sa tenue. Mais il y avait fort à parié qu’il le regretterait plus tard.

   
 

- J’ai vraiment du mal à me décider si Loki est mauvais ou juste tellement taquin, que ça a fini par se retourner contre lui…

Tout comme Karen, il avait perdu la notion du temps, comme s’il était juste dans leur petit monde. Deux nordiques, redécouvrant les origines de leurs ancêtres et cherchant à comprendre un panthéon qui était, peut-être, revenu avec celui des dieux grecques.

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Avant qu’il ne s’en aperçoive, le jeune homme se retrouvait dans les paroles de Karen. Il comprenait les raisons qui avaient poussées Loki à agir comme il l’avait fait. Son appartenance à deux mondes, obligé de vivre dans celui qui ne le comprenait pas et essayant de faire tout pour qu’on le remarque, au point d’en détruire sa famille d’adoption. Niels était assez proche de cette description, un garçon qui avait rêvé d’une vie normale, devant vivre dans une famille riche ne s’occupant pas de lui, le faisant fuguer pour essayer d’attirer l’attention sur lui et finalement… lui donner envie de détruire tout ce que sa famille avait construit.

Même s’il savait qu’il n’était pas aussi excessif que ce dernier, il n’avait pas l’intention de détruire le monde entier et son intérêt était beaucoup moins égoïste, car il pensait avant tout à la planète quand il le faisait. Il le comprenait quand même, étant toujours un peu à part, quel que soit l’endroit où il se trouvait, que ce soit volontaire ou non.

   
 

- Je crois… qu’il a juste besoin qu’on lui tende la main et qu’on lui accorde réellement la confiance qu’il demande.

Le changement de conversation fit soudainement rougir le faucheur. Il venait de se rendre compte qu’il était à moitié nu, devant quelqu’un d’autre. Chose qu’il n’avait jamais fait depuis bien longtemps, surtout depuis qu’il était capable de se laver seul. Même si ses muscles se crispèrent légèrement, il était trop tard maintenant pour se cacher, il n’avait plus qu’à assumer.

   
 

- Seul les runes ont une signification réelle. Le reste me sert surtout de…

Niels s’arrêta un instant, un peu honteux d’avouer ça ainsi.

   
 

- De carapace. Aux Etats-Unis, les gens fuient assez facilement ceux qui sont autant tatoué, alors j’en ai profité. Mais en même temps, ça m’a permis de comprendre nos ancêtres, qui étaient souvent recouvert de tatouages. Alors même si elles n’ont pas les significations des runes, elles les représentent un peu. Comme si… les runes étaient les étoiles principales et le reste était la constellation complète.

Son torse, son dos et ses bras étaient loin de tout représenter, mais il n’était déjà pas prêt à les montrer à n’importe qui, alors autant laissé tomber le reste pour le moment.

   
 

- Je pense que pour toi, il faudrait celle-ci.

Le jeune homme lui tourna alors le dos, pour qu’elle puisse voir le tatouage d’aigle et la rune qui trônait sur son front.

   
 

- C’est hagalaz.

La rune ressemblait à un H, à la différence que la barre qui reliait les deux autres était penchée.

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Sans comprendre pourquoi, le jeune homme était heureux d’entendre Karen aimer son tatouage, même s’il n’était pas l’artiste qui l’avait fait, cela lui faisait un bien fou, comme si le compliment était pour lui. Mais très vite, il écarquilla les yeux et se tourna rapidement vers la jeune femme.

   
 

- Non, non, enfin… pour moi, cette rune est plus large que ça. Elle symbolise l’air en général, même s’il est effectivement froid dans le nord. La glace est représentait par Isa, et un ours te correspond moins bien. Alors que l’aigle, l’air, c’est… c’est la liberté. Tu peux aller où tu veux, quand tu veux, sans frontière, sans chaînes pour te retenir.

Les joues de nouveaux rouges, le faucheur s’arrêta avant d’en dire plus. Il avait du mal à parler avec les autres en général, alors les couvrir de compliments le gênait un peu. Mais très vite la discussion le gêna d’avantage, puisqu’elle revenait vers lui, la jeune femme cherchant à lui attribuer une rune également. Alors qu’elle donnait ses explications, même si le sujet gênait l’américain, il finit par rire doucement, venant de comprendre une chose.

   
 

- Je crois que nous n’avons pas lu les mêmes livres, ce qui paraît logique d’ailleurs. Les cultes nordiques sont si vieux, qu’ils ont partiellement disparus, avant qu’on ne commence à en prendre note. Mais en même temps, ils étaient si vastes, qu’ils avaient de légères différences selon les régions. Et visiblement, on est tombé sur deux versions différentes, mais pas totalement opposée pour autant.

Le jeune homme se tortilla un peu, afin d’indiquer Jera sur son corps, ainsi que l’animal qu’il avait lié.

   
 

- Dans mes recherches, Jera est la rune de la terre, et comme tu peux le voir, elle est liée au taureau. Ce qui serait un peu vexant, si je pouvais être vexé pour si peu.

Non, clairement, pour lui-même, il n’était pas Jera. S’il devait s’identifier seul, il s’attribuerait Eiwaz, la rune de Hel, la rune de la mort. Car pour lui, utiliser son pouvoir est comme tuer sa mémoire. Même s’il se faisait de nouveaux souvenirs, ils finiraient par mourir un jour, s’il ne faisait pas attention. Pourtant, une part de lui voulait être plus égoïste, et voulait s’attribuer Ansuz, la rune d’Odin, car ainsi il serait le maître des runes et de leur magie. Finalement, pour se sortir de sa réflexion, il relança un peu le sujet, mais tout en s’amusant.

   
 

- Franchement… tu trouves que je ressemble à un taureau ? Genre… aussi fort et intelligent que le Minotaure ?

Même s’il avait toujours les joues rouges, Niels avait un large sourire en posant sa question, preuve qu’il cherchait plus à taquiner qu’autre chose.

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Alors que la chasseresse lui répond, le jeune homme avait de plus en plus les yeux pétillants. Le sujet l’intéressait tellement, que sa timidité était presque mise de côté, pour laisser place à un intérêt toujours aussi grand. Un jour, il irait en Norvège, même s’il ni avait pas vu le jour, il se sentait plus nordique qu’américain. Il pourrait faire de meilleures recherches sur les dieux et les anciennes traditions. Rien que d’y penser, Niels avait hâte de se trouver un moment pour s’y rendre, même si… il ne savait pas vraiment quand il pourrait, le travail aux champs lui prenant déjà pas mal de son temps, suivi par les rares missions qu’on lui confiait et maintenant les livraisons.

   
 

- Exactement ! Tu imagines si on arrivait, en tant que héros, à contacter les dieux nordiques ? On pourrait alors leur demander tellement de choses, en apprendre vraiment plus sur ce qu’ils ont voulu transmettre au monde. Et tu imagines, peut-être qu’on nous enseigne qu’il y a neuf mondes, mais si une partie des textes avaient disparus, on pourrait peut-être apprendre qu’il y en a en réalité plus.

Le faucheur se laissait doucement emporter dans sa rêverie, avant de revenir à la réalité. Il avait ensuite partagé un petit moment de gêne avec la jeune femme, qui était presque aussi mal à l’aise que lui à cet instant. Il la laissa parler, écoutant la moindre de ses paroles, analysant le moindre mot. Un sourire se dessinait doucement sur les lèvres de Niels, qui ciblait doucement un animal dans cette description.

   
 

- On dirait que… tu parles d’un chat. Ce qui irait avec mes armes après tout.

Il ne chercha pas longtemps cette rune, se trouvant au centre de son torse. Le chat était lové autour de la rune, comme s’il s’était endormi ainsi.

   
 

- D’après ta description, je serai donc peorth, la rune du cœur. On pourrait presque croire que c’est romantique du coup.

Le jeune homme arrêta soudain tout mouvement, se rendant compte de ce qu’il venait de dire. Encore une fois, il ne savait plus où se mettre, se sentant à la fois honteux et ridicule.

   
 

- Désolé… je dis n’importe quoi…

Il ramena ses genoux contre son torse, comme un réflexe d’auto-protection.

   
 

- Je ne suis pas aussi fort que tu le crois. J’aimerais l’être plus. Même si je n’ai personne à protéger pour le moment, je n’ai pas envie d’être un boulet que l’on traîne. Je voudrais être plus utile à dame Déméter, qui m’a donné une raison de vivre en me prenant sous son aile. Et, même si ce n’est pas le panthéon que j’aurai voulu service, je pense que notre combat est juste, qu’importe le camp et les raisons, l’objectif final est le même.

La voix du jeune homme avait été calme, voulant presque se briser à certains moments. Il ne se livrait jamais, mais plus il passait du temps avec Karen et plus il savait qu’il pouvait lui faire confiance.

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Après être devenue aussi rouge que Niels, la chasseresse avait rapidement expliquée ce qu’était peorth dans ses lectures, parlant de destin tout en voulant écarter une interprétation qu’elle avait été la seule à faire, rendant le jeune homme encore plus mal à l’aise, alors qu’il l’était déjà énormément. Mais d’une certaine manière, le jeune homme la sentait tout aussi maladroite qu’il l’était, lui donnant envie de la connaître et d’être plus proche d’elle.

Alors que le faucheur était recroquevillé, la jeune femme lui parlait avec des tendresses. Ils arrivaient à se comprendre très facilement, comme si leurs racines étaient un lien suffisant. Elle voulait le réconforter, lui donner confiance en lui, une confiance qu’il lui fallait gagner, mais dont il ne se sentait pas capable seul. Le contact de la main de la chasseresse surprend d’abord le jeune homme, avant qu’elle ne se relève, l’invitant à faire de même. La situation lui paraissait étrange, mais Karen avait le don de lui donner un courage qu’il pensait inexistant.

Les paroles qu’elle prononça à cet instant touchèrent profondément l’américain. Ses yeux plongeaient dans les siens, il ressentait quelque chose d’étrange, quelque chose qu’il était certain de ne jamais avoir ressenti avant. Ne sachant quel nom il pouvait donner à cette émotion, il profita simplement de l’effet qu’elle produisait sur lui. En revanche, il savait une chose, comme ce qu’il avait ressenti quand il avait appris que ses parents détruisaient la forêt et qu’il voulait la défendre, il ne voulait pas que quelqu’un fasse de mal à Karen, pas après tout l’espoir qu’elle venait de lui offrir.

   
 

- Je… oui, tu dois avoir raison. Je sais déjà ce que je veux protéger actuellement, et je suis sûr de vouloir protéger d’autres choses. Et, étrangement, ce que je veux protéger ne s’efface pas aussi facilement que ce que je préfère… oublier.

La situation restait tout de même étrange, surtout en étant torse nu devant la jeune femme. Pourtant, il se sentait un peu plus apaisait à chaque instant, comme s’il puisait sa force d’elle. Certains esprits moins sages auraient surement sauté sur l’occasion, mais cette paix était suffisante pour Niels, qui y trouvait un repos agréable.

   
 

- Tu sais… je ne me confie à personne d’habitude. Tu es… la première personne avec qui je parle autant. Peut-être parce que… j’ai l’impression que tu me comprends.

Le rouge ne le quittant toujours pas, le jeune homme trouva tout de même le courage de serrer un peu plus les mains de Karen. Il l’avait fait un peu machinalement, comme pour rester encré dans l’instant présent, comme pour ajouter une sensation à graver en lui, pour ne pas l’oublier. Le seul son venant brisé le silence étant le crépitement du feu.

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La sensation de la main se resserrant sur les siennes était agréable au jeune homme. Même s’il n’en avait pas l’habitude, il trouvait ça réconfortant et avait presque envie de rester ainsi plus longtemps. Mais, la situation restait gênante pour un introverti comme lui, situation qui changea rapidement, quand la chasseresse relâcha doucement son emprise. Elle leva ensuite la tête vers le ciel, avant de dire qu’ils devraient peut-être dormir, si le faucheur ne voulait pas être trop fatigué au matin.

Même s’il ressentait la fatigue, surtout avec le voyage qu’il avait dû faire pour se rendre jusqu’ici, Niels n’avait pas vraiment envie de dormir, pas après cette rencontre, comme si les Nornir avaient volontairement fait se croiser leurs fils. Pourtant, le jeune homme savait que c’était mieux de dormir, surtout s’il devait croiser la déesse Artémis le lendemain, après tout, il devrait peut-être se préparer à courir pour fuir le camp.

   
 

- Tu as raison, me reposer devrait être bénéfique, même si ça vaut pour toi aussi. Je suppose que vous avez pas mal de boulot aussi de votre côté et si la surveillance de la forêt en fait partie, ça fait un sacré terrain.

Décidément, le rouge ne voulait pas quitter les joues de l’américain, alors qu’elle n’était pas sa couleur préférée pourtant, après les nouvelles paroles de sa camarade. Il aurait préféré rester seul, bien sûr, mais il se sentait tellement bien avec elle. Alors, il ne put se retenir, quand elle proposa de se trouver une branche.

   
 

- Non… non… reste. Je…

Niels s’arrêta net, cherchant une excuse, même la plus bidon possible, afin de ne pas dire directement ce qu’il pensait.

   
 

- Je… me sentirai plus rassuré avec toi à côté.

Finalement, il se sentit tout aussi bête de dire ça. Non pas qu’il avait honte d’être protéger par une femme, loin de là les idées du jeune homme, mais plutôt qu’il révélait un petit faible pour elle en même temps. Le plus étrange était qu’il était toujours torse nu et cette demi nudité le dérangeait de moins en moins, du moins en la présence de Karen, il ne pensait pas être capable de rester trop longtemps ainsi pour quelqu’un d’autre. Après lui avoir demandé où elle voulait s’installer, le faucheur pris place sur le sol. La roche était dure sous lui, mais il avait connu la rue par le passé, tout était donc plus confortable.

   
 

- Bonne nuit… valkyrie…

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